L’écran de télévision ne se regarde plus comme avant. C’est un fait. Pour preuve, une récente étude démontre que 70 % des Français·es associent désormais les services de streaming comme Netflix, Amazon et YouTube, à leur définition de la télévision1.
Au-delà de la redéfinition, c’est un véritable changement de paradigme qui s’opère dans les usages. C’est ainsi que l’écran de télévision est devenu le deuxième écran le plus consommé, juste après le mobile pour visionner des contenus sur YouTube2.
Pour comprendre l’ampleur et les raisons du phénomène dans l’hexagone, nous nous sommes entretenus avec Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie. Interview.
L’écran de télévision s'est réinventé ces dernières années avec toujours plus d’offres et d’acteurs qui viennent bousculer sa consommation linéaire. Où en est-on réellement ?
Yannick Carriou : Si la télévision évolue, un élément reste stable : le temps que les Français·es passent devant un téléviseur allumé. En 2023, il était de 4h10 contre 4h07 en 2019.
En revanche, les usages du téléviseur ont changé. En 2017, le visionnage des chaînes TV, en direct et en replay, représentait encore environ 90 % du temps passé devant le grand écran. En 2023, cette part est passée juste sous la barre des 80 %. Les 20 % restants étant consacrés à d’autres usages comme la SVOD, les vidéos en ligne, ou encore les jeux vidéo.
L’écran de télévision devient donc un terrain extrêmement compétitif. S’il est toujours assez largement dominé par les chaînes TV, il est désormais aussi le terrain de jeu des acteurs du streaming payant et des acteurs de la vidéo sur Internet. L’accélération de la plateformisation des chaînes de TV va intensifier le match. Je pense que rien n’est joué dans cette partie et que nous connaîtrons des évolutions passionnantes lors des prochaines années.
Comment expliquez-vous l’avènement de cette nouvelle compétition ?
Y.C. : La télévision a connu un pic de consommation en 2012, avec un temps qui s’élevait environ à 3h50 par jour. Si la date peut sembler proche de nous, on parle pourtant d’une autre époque où le taux de pénétration du smartphone n’était que de 30 %. L’entrée d’un quatrième opérateur mobile marquait alors le début de la baisse des forfaits data et la démocratisation progressive des usages vidéos mobiles.
À partir de cette date, on a assisté à une diversification des pratiques médias et une érosion progressive du temps passé en TV.
2020 a également été un marqueur important. Pendant le confinement, les Français·es ont massivement essayé de nouveaux usages. C’est le décollage des plateformes vidéos, avec Netflix, Amazon Prime et autres, mais aussi le lancement de Disney+ en plein confinement. De nouvelles pratiques se sont ancrées dans le quotidien des Français·es. Si cette période de crise sanitaire est derrière nous, les usages vidéo qui ont été acquis sont toujours d’actualité et profitent certainement aussi à YouTube sur la TV.
Le confinement a été un événement mondial, est-ce que tous les pays ont suivi les mêmes tendances ou existe-t-il une spécificité française ?
Y.C. : En 2023, la France était le pays ayant la plus importante durée de consommation TV chez les 25-49 ans en comparaison avec l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne ou les Pays-Bas. Ce phénomène s’explique, entre autres, par la spécificité du paysage média français, avec de nombreuses chaînes gratuites ou perçues comme quasi gratuites à travers des offres triple play.
Dans les pays où l'accès aux chaînes coûte cher, ce n’est pas une surprise de voir que la SVOD est davantage prisée. On parle de 80 % des ménages aux États-Unis, de deux-tiers au Royaume-Uni, contre environ 50 % des foyers français qui souscrivent à au moins une offre SVOD.
Vous évoquiez la consommation TV qui reste forte chez les 25-49 ans en France, qu’en est-il de la place de la vidéo ?
Y.C. : En analysant l’intégralité de la consommation de vidéos sur tous les supports au niveau de la population globale, la TV linéaire représente encore à elle seule 67 % du volume de consommation total en 2023.
Ce chiffre tombe à 22 % chez les 15-24 ans, en prenant le replay en compte. 45 % du temps de leur consommation est consacré à des vidéos sur Internet. La différence est donc frappante.
Il est intéressant de regarder comment ces consommations se positionnent dans le temps. Si vous regardez les usages médias des jeunes vous verrez que le matin, la radio reste leur premier média, et que le soir en prime time, la TV passe pendant une heure ou deux devant la vidéo sur Internet. Mais cette consommation de vidéo digitale est la plus forte tout au long de la journée, encore largement sur mobile. À chaque seconde de la journée, entre 9 et 18h environ, de 7 à 15% des jeunes regardent une vidéo, avec un premier pic à 18h, et un deuxième à 23h. YouTube, quant à lui, réunit 92% des 15-34 tous les mois, hors écran TV qui n’est pas encore mesuré, avec une moyenne quotidienne d’1h02 par jour.
La consommation des médias n’obéit pas à la même temporalité. Ils sont donc, d’une certaine façon, complémentaires.
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