L'attention est une denrée rare. Pour la gagner, et engager leurs publics, les marques repensent leurs approches narratives en variant les formats et les résultats sont au rendez-vous.
Résonner dans l’époque à travers les âges. C'est tout le défi qui anime le secteur du luxe et, in fine, leurs narrations.
Pour rester connectées aux usages sans jamais se renier, Guerlain, Louis Vuitton et TAG Heuer ont repensé le storytelling de leurs marques autour de nouvelles temporalités et de nouveaux formats.
Une complémentarité du temps long et du temps court, mixant créations institutionnelles et personnalités influentes, pour une narration revisitée. Entre héritage et innovation, ces marques nous ont donné accès aux coulisses de leurs stratégies. Témoignages.
Quand les créatrices s’invitent dans le mix de Guerlain
« Nous avons déjà activé des campagnes avec des influenceurs mais il s’agit d’une première pour cette période stratégique des fêtes de fin d'année », confie Anne-Sophie Lefebvre, directrice média internationale chez LVMH Beauty. Pour ce temps fort en termes de ventes, la marque a décidé de sortir des sentiers battus, en explorant de nouveaux territoires de communication. « Nous avons historiquement des créations très institutionnelles », explique Anne-Sophie Lefebvre. « Aujourd'hui nous essayons de développer notre présence sur des plateformes sociales qui demandent une approche plus engageante. Cela nous oblige à revoir notre approche du storytelling. »
La marque s'est ainsi associée à Gabrielle Caunesil, mannequin et créatrice de contenus, pour réaliser une vidéo mettant en scène ses produits dans un contexte de shopping au sein d’une boutique Guerlain pour les fêtes. Une campagne composée de trois créations différentes : un film institutionnel de 15 secondes, et deux contenus de 15 et 60 secondes réalisés avec la créatrice. « Avec les équipes Google, nous avons décidé de tester leur efficacité respective sur YouTube à différents niveaux du parcours d'achat pour analyser leur potentielle complémentarité », précise Anne-Sophie Lefebvre.
Un choix accompagné de quelques appréhensions. « En tant que marque de luxe, l'enjeu était de trouver la bonne créatrice avec le bon ton, dans l'ADN de la maison, et que cette collaboration soit complémentaire de nos propres campagnes. Ce partenariat devait cocher toutes les cases » souligne-t-elle. Car si le but de la campagne était de rajeunir l'image de la marque et de la rendre plus accessible, elle devait se faire sans aucun compromis sur l'excellence de l'exécution, un prérequis évident pour Guerlain.
Le pari s'est avéré payant. Les contenus se sont révélés complémentaires, amplifiant les bons résultats de la création institutionnelle :
- Le format créateur le plus long (B) et le format institutionnel (A) ont permis d’atteindre le taux de visionnage le plus élevé.
- Le format créateur le plus long (B) a également permis d’augmenter de 14 % l’intérêt de recherche pour le mot “Guerlain” sur le moteur de recherche Google1.
- Côté ventes, c’est le format créateur de 15 secondes (C) qui a permis de générer le plus d'achats, avec près de la moitié (46 %) du total des achats.
Fort de ce succès et de ces enseignements, Guerlain envisage de poursuivre dans cette voie. « Pour cette fin d’année 2024, en parallèle des contenus institutionnels, nous allons continuer dans cette dynamique en intégrant à nos campagnes institutionnelles des contenus influenceurs et co-produits avec des créateurs. Mais cette fois, de façon plus large », annonce Anne-Sophie Lefebvre. La marque prévoit ainsi de développer ce type de partenariat dès la conception de ses campagnes de fin d’année, tout en produisant des formats longs pour ses propres canaux.
Le conseil d’Anne-Sophie Lefebvre aux autres marques ? « Il ne faut pas hésiter à tester. » Tout en insistant sur l'importance de nouer des collaborations cohérentes avec l'ADN de la marque. « Le reach ne peut pas être le seul critère. Du moins, c’est notre conviction. En visant ce seul critère, notre communication ne serait pas cohérente. Je pense même que cela ne fonctionnerait tout simplement pas. »
Louis Vuitton : le temps long comme allié de l’optimisation
« Louis Vuitton a toujours su se distinguer avec des actions d’envergure, portées par une vision à long terme et des messages emblématiques autour de ses valeurs fondamentales », souligne Pierre Castillon, Directeur Media Digital international chez Louis Vuitton. Cette approche, réaffirmée aujourd’hui sous la direction de Pietro Beccari, CEO de la Maison, s’inscrit dans un retour à un storytelling puissant et durable.
« Nous renouons avec une communication ancrée dans le temps long, incarnée par des partenariats stratégiques comme celui autour des sports pour lesquels la Maison réalise les malles trophées sur mesure », explique-t-il. Ce retour s’est récemment incarné dans une série YouTube de plusieurs épisodes dédiée à Nicolas Ghesquière, Directeur Artistique des collections femme depuis 10 ans, dont la présence dans les médias est rare. « Nous souhaitions célébrer cette décennie de création sur YouTube, la plateforme du temps long par excellence, en ouvrant les portes de l’univers créatif et inspirant de Nicolas Ghesquière » précise Pierre Castillon.
Cette série, conçue en étroite collaboration avec YouTube, a été pensée pour s'intégrer aux codes de la plateforme, tout en respectant l'identité de la marque et son directeur artistique. « Nous avons travaillé à insuffler les codes de la plateforme en créant un contenu exclusif, car nous savons que sur YouTube, les utilisateurs adoptent une démarche de découverte et d’exploration. Tout cela, en veillant à ce que Nicolas Ghesquière se sente pleinement à l’aise dans cet exercice. » souligne-t-il. Un équilibre subtil maîtrisé par la marque : “faire parler de soi, sans parler de soi”.
Ce long format central a fait l'objet d’un découpage en capsules courtes pour Shorts afin d’accroître l'engagement et rediriger vers la série complète. « Nous n’hésitons pas à prendre des “risques” en testant de nouveaux formats, et en innovant sur certaines prises de parole sans jamais faire de compromis sur la qualité », rapporte Pierre Castillon. Une prise de risque calculée, qui s'appuie sur une analyse rigoureuse des performances. « Nous analysons systématiquement nos plans de communications et nous nous efforçons de les élever à un niveau toujours supérieur. »
Le découpage de cette série en plusieurs épisodes publiés à intervalles réguliers permet aux équipes de Louis Vuitton de dégager des enseignements pour optimiser les productions suivantes. « Les données nous permettent d’identifier les pics d’intérêts sur des moments précis de la vidéo. On a par exemple constaté un attrait sur une séquence “flashback” pendant laquelle des robes dessinées par Nicolas étaient exposées. Ces enseignements nous permettent d’adapter les prochains épisodes » explique Pierre Castillon. Si la marque a conscience que la perfection n’existe pas, elle affirme avec conviction que, grâce à cette approche, « l’épisode 7 ou 8 sera bien meilleur que le premier épisode ».
En attendant la suite, les résultats sont déjà au rendez-vous. Le format long du premier épisode à obtenu un taux de visualisation (view rate) supérieur de 15 % et un temps passé 20 % supérieur aux moyennes du secteur. Le tout dans un contexte premium, puisque près de la moitié des vues ont été enregistrées sur l’écran de télévision. Côté Shorts, les vidéos ont permis d’exposer 30 millions de personnes à un coût pour mille (CPM) inférieur de 44 % et une durée de visualisation de + 89 % par rapport aux moyennes du marché. Un duo qui marche.
Du court-métrage à la micro optimisation : la mécanique du temps selon TAG Heuer
« L’innovation est au cœur de notre métier, cela se traduit dans chacune des branches de la Maison TAG Heuer, du développement produit à la diffusion des campagnes publicitaires » déclare Olivia Rossati, directrice média internationale chez TAG Heuer. Habituée à une communication portée par des produits iconiques comme Carrera, Monaco et Aquaracer, la marque continue à faire évoluer son approche du storytelling en testant cette fois une approche multiformats, allant du format long de 5 minutes à l’approche optimisée des formats plus courts.
« Nous adoptons cette démarche multiformats dans un objectif de performance, cela nous permet d’appréhender les comportements de nos audiences avec agilité, de créer davantage d’engagement et de nous repositionner systématiquement pour chacun de nos lancements avec un angle nouveau », affirme-t-elle. Un changement qui permet une nouvelle fois à TAG Heuer d'explorer de nouveaux territoires, notamment celui du long format. « YouTube est la plateforme idéale pour diffuser ces formats longs tout en assurant des vues qualitatives » souligne-t-elle.
Un pari osé dans un paysage média que l’on dépeint comme “dominé par les contenus courts”, mais qui s'est avéré payant. Le film de cinq minutes, véritable court-métrage, mettant en scène Ryan Gosling a rencontré un immense succès, générant des résultats « très clairement au-dessus des attentes, avec plus de 20 millions de vues et un temps de visionnage moyen de plus de 3 minutes » selon la directrice média.
Si le temps long de cette création a rencontré le succès, à l’autre bout du spectre, celui du temps court, la marque a également identifié les chemins de la performance.
Pour sa campagne Chronosprint x Porsche, TAG Heuer a testé des formats 6, 15 et 30 secondes sur YouTube Shorts afin de comparer les performances de ces trois formats, toujours avec succès. Les résultats ont démontré des performances accrues allant jusqu'à plus de 40 % par rapport aux moyennes observées dans l'industrie du luxe en général.
Cette approche multiformats, qui va du film de cinq minutes au short optimisé, est une stratégie que TAG Heuer souhaite continuer à développer, toujours dans une optique d’innovation et de découverte de nouveaux formats. « Dès lors que les budgets le permettent et qu’il y a un intérêt spécifique à le faire, nous optons pour une approche multiformats » assure Olivia Rossati. Si cette communication nécessite un niveau d’investissement supérieur, elle représente une opportunité telle que, tant l'équipe média que le département créatif, l’intègrent volontiers dans la narration de leurs campagnes.
Pour les fêtes de fin d'année 2024, période aussi cruciale que bataillée pour la marque, TAG Heuer compte bien réitérer cette stratégie, en l'adaptant aux spécificités de chaque pays. « Pour cette période de célébrations, nous aurons une campagne identitaire très forte, qui s’adaptera parfaitement à une approche multiformats ayant pour but de maximiser les résultats » confie Olivia Rossati.
La marque s'appuie également sur des études, notamment les brand lift surveys, pour mesurer l'impact qualitatif de ses campagnes et ajuster sa stratégie en conséquence. « Cette mesure nous permet de juger de la pertinence de l'innovation, que cela soit dans le cadre d’une nouvelle utilisation de l’IA, le test d’un nouveau processus créatif tripartite ou encore l’impact des formats longs… » conclut Olivia Rossati, rappelant que cet ADN d’innovation qui anime la marque se traduit jusque dans son nom. L'acronyme TAG signifiant “Technique d'Avant Garde”.
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