Spots publicitaires ultra-condensés, messages percutants en quelques secondes, le format court et ses promesses d'efficacité immédiate s’est peu à peu imposé comme une écriture dominante en communication. Plus récemment, le passage du format publicitaire standard des spots de publicité en TV de 30 à 20 secondes pour la quasi-totalité des régies, semble confirmer cette tendance.
Pourtant, à contre-courant de ce phénomène, une récente étude menée auprès de 500 directrices et directeurs marketing rapporte que 68 % des professionnel·les du marketing ont augmenté leur production de contenu de longue durée en 2024, et que 70 % prévoient de l’augmenter en 2025. Les raisons principales invoquées ? Atténuer les baisses de créativité et accroître le retour sur investissement.
Des vents contraires auxquels nous avons voulu confronter Quentin Delobelle, directeur de la communication d'Orange France, Pascal Nessim, Co-président de l'agence Marcel, et Caroline Fontaine, déléguée générale de l'AACC. Regards croisés.
Le temps des émotions
L’hégémonie du temps court en communication a longtemps été justifiée par la nécessité de capter l'attention fuyante des audiences dans un environnement saturé d'informations. Cela ne s’est pas fait sans frustration. “Si nous avions une idée créative qui nécessitait deux minutes pour s’installer, on nous disait systématiquement que nous allions perdre une grande partie de l’audience dans les premières secondes”, se souvient Pascal Nessim. Un sentiment partagé par Quentin Delobelle : “les spécialistes du digital poussaient pour que nos créations passent l’ensemble des messages en 3 secondes : le hook, le logo… ce qui m’a valu quelques batailles en interne”.
La campagne SaferPhone, d'une durée proche des deux minutes, a obtenu un taux de complétion de 100 % dans 33 % des cas
Car, a priori, une histoire susceptible de provoquer des émotions demande du temps pour s’installer. Un ressenti relativisé par Pascal Nessim, convaincu que l’idée prévaudra toujours sur le format. "L'émotion peut arriver en 8 secondes, mais elle peut aussi avoir besoin d'une minute trente pour s'installer et se délivrer." Loin de prôner une opposition stérile entre formats courts et longs, ces professionnel·les de la communication appellent à une approche complémentaire, guidée par l'éthique et le respect des audiences. "Dès que la création est respectueuse des audiences, que la qualité est présente, la complétion et l’agrément devraient logiquement suivre, peu importe la durée” affirme le Co-président de Marcel.
Quand le temps long rencontre des records d’efficacité
Face à cette frénésie du court, certains annonceurs, comme Orange, continuent de faire le pari d’installer des histoires en prenant le temps nécessaire à la narration. "Je suis un grand défenseur des histoires, et convaincu que l'intérêt est le véritable moteur de l'attention. Si c'est intéressant, les personnes regardent", affirme avec conviction le directeur de la communication. C’est ainsi que la récente campagne SaferPhone, d'une durée proche des deux minutes, a obtenu un taux de complétion de 100 % dans 33 % des cas. Un rituel du format long, que la marque reproduit chaque année depuis maintenant plus de 10 ans autour du pic commercial des fêtes de fin d’année. "Noël doit être l'occasion de raconter un beau conte, une belle histoire fédératrice qui apporte une émotion au sein des foyers, c’est ensuite au site et au point de vente de faire le reste du travail", explique Quentin Delobelle.
Cette temporalité fait également écho chez le Co-président de l’agence Marcel, récemment primée par un Grand Prix Stratégies pour son clip musical de près de trois minutes pour Oasis avec le chanteur JuL. Autre preuve que le temps long, quand il est bien conduit, trouve les voies de la performance.
Mais si une seule campagne est à retenir en 2024, c’est bien La compil’ des Bleues, pour laquelle Orange et son agence Marcel ont gagné plusieurs prix, dont un prix EFFIE en décembre dernier. Une création qui frôle, encore une fois, les deux minutes pour des résultats records tant sur le plan de l’efficacité commerciale qu’en termes d’image de marque.

"Cela démontre que quand c'est intéressant, les gens regardent, peu importe la durée", explique Quentin Delobelle. Si aucune recette miracle n’existe pour dessiner la voie de telles performances, il reconnaît que quelques ingrédients ont contribué au succès. "La réussite de cette campagne puise dans une conjonction de plusieurs facteurs : un insight fort sur les préjugés liés au football féminin, une exécution créative de qualité, le contexte de la Coupe du monde, et l'intelligence de l'agence de proposer un format prisé par les audiences sur YouTube", analyse-t-il.
“On constate, à chaque fois, que les campagnes primées [sur le plan créatif], sont corrélées à une surperformance, notamment commerciale.”
Des performances sur le plan commercial et branding qui reflètent l’essence des deux programmes défendus par l’AACC : “creativity for change” et “creativity is business”. “On insiste beaucoup sur le fait que la création est un moteur de l’impact, c’est à la marque de décider si elle souhaite l’orienter vers un impact financier, ou pour la transformation des comportements. Dans ce cas précis, la campagne coche les deux cases à la fois alors qu’elle n’avait aucune vocation business.” explique la déléguée générale de l'AACC.
L’AACC, KANTAR et MEDIA FIGARO mesurent en effet depuis plusieurs années la capacité de la création à agir sur ces deux leviers, en analysant l’impact des campagnes primées créativement. Et les résultats sont sans appel : “On constate, à chaque fois, que les campagnes primées, sont corrélées à une surperformance, notamment commerciale” nous rapporte Caroline Fontaine. Plus précisément, ce sont 97 % des campagnes primées qui surperforment sur au moins l’un des indicateurs de performance (marque, commercial ou média), se classant ainsi dans le top 30 % des campagnes les plus efficaces évaluées par Kantar.
Une exigence créative à penser (aussi) sur grand écran
"Le fait que YouTube puisse être consommé sur un bel écran est une bonne nouvelle, et c'est une opportunité que nous allons saisir", confie Quentin Delobelle. Un terrain de jeu fertile pour installer de belles histoires de marque, sans formatage, tout en répondant aux nouveaux usages de la TV connectée. En effet, cet écran est devenu le second sur lequel les Français·es regardent YouTube, avec des contenus visionnés plus de deux fois plus longs en moyenne1.
Une appétence pour le long format qui ne signifie pas pour autant la fin des formats courts, les interviewé·es sont unanimes sur le sujet. Ils revendiquent en revanche la nécessité de varier les approches, de s'adapter aux contextes et aux objectifs dans une vision plus nuancée, où l'histoire et l'intérêt redeviennent des valeurs centrales. Une vision de la création, tout sauf amnésique, des résultats, tout sauf anecdotiques, qui enterrent définitivement le mythe du poisson rouge, selon lequel notre temps d’attention ne dépasserait plus les huit secondes.
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