Le digital n’attend pas ! Mobilité, délinéarisation et temps réel définissent la nouvelle consommation des médias. Les marques saisissent l’opportunité de la communication always on et établissent un contact permanent et personnalisé avec les consommateurs. À chaque jour son actu. À chaque jour son storytelling. Extraits choisis des 8èmes rencontres de l’Udecam le 6 septembre 2016 à Paris.
Penser et repenser le temps
« Aucun de nous n’échappe à sa condition temporelle », avance le philosophe Raphaël Enthoven dans son discours d’ouverture. « On manque de temps, alors qu’on agit vite. On tweete, on retweete. Le désir ira toujours plus vite que le temps. »
Plus concret, le CDO du Times Alan Hunter oppose « Right Now » et « Get it Right », car le mot d’ordre de la rédaction est de prendre le temps de faire les choses bien. « Nos lecteurs veulent l’inverse du « Right Now ». Ils aiment qu’il y ait un début, un milieu et une fin. We break news, but we don’t do breaking news. »
Et les marques ? Quel rapport au temps ? Temps réel ou différé ? Comment provoquer la rencontre avec le consommateur final ? « Avant, nous achetions des minutes d’attention », note Jean-Luc Chétrit, président de l’Udecam et de Carat France. « Aujourd’hui, nous devons créer des moments de rencontre entre les marques et le public. Ce sont des moments de conversation et de passion, qui se créent ensemble et ne s’achètent plus. Nous nous transformons pour devenir des agences des audiences et des moments. »
Communiquer sur 2 axes
La révolution temporelle touche tous les acteurs du marché. Annonceurs, éditeurs, responsables publics : nul n’est épargné. Très souvent, les marques adoptent les best practices des médias pour construire une communication always on. « La communication évolue pour s’adapter aux consommateurs et à leurs comportements », note Fernando da Costa, vice-président Omnicon Media Group France. « On a la démarche traditionnelle où la marque va communiquer verticalement avec des prises de parole plus ou moins originales. Mais cette dimension verticale ne suffit plus. L’horizontale va permettre une infiltration et accompagner dans le quotidien personnel et professionnel pour provoquer l’interaction avec le public. » Cette logique de média « induit de rebondir sur l’actu, d’actualiser régulièrement et d’être à l’écoute. » Et, d’un point de vue éditorial, « il faut de nouveaux talents et une ligne éditoriale pour garantir l’interaction entre les dimensions horizontale et verticale. L’enjeu pour les marques est de trouver le bon dosage. »
Prendre part à l’actu
L’actu n’est plus réservée aux grands groupes de médias. « Quand vous avez une actualité non-politique et dramatique, les marques peuvent s’en saisir et devenir partenaires », indique Raphaël de Andreis, CEO de Havas Media Group France. « Une marque est en train de devenir un média avec un temps long (e.g. une pub de 30 secondes), un temps court (e.g. Twitter) et un temps intermédiaire (e.g. une newsroom). On devient une forme de rédaction, une sorte de branding media newsroom pour faire sens pour le consommateur. »
Tout l’enjeu est de transformer l’actualité en désirabilité et en engagement, poursuit Véronique Morali, présidente du directoire de Webedia. « On transforme les marques en médias, et tout l’objet de notre production de contenus est dans la transformation de l’actu pour proposer un storytelling différent. » Sans oublier la capacité des marques à créer l’actu : « Quand on fait VideoCity ou quand Cyprien et Norman se produisent sur TF1, on se positionne comme créateur d’actu. »
Passer en 360° sur 365 jours
« On n’a plus le choix », lance Sandrine Plasseraud, directrice générale de We Are Social France. « Avant, pour une marque, ça suffisait d’avoir 2 campagnes pour être dans le top of mind du client. Comme ce dernier est connecté non-stop, si vous n’êtes pas dans son nouveau mode de consommer, vous serez absent de son état d’esprit et donc dans l’acte d’achat. »
Mais, comment émerger dans ce foisonnement de contenus ? « C’est du bon sens. » Tout simplement. « Il faut creuser les conversations pour comprendre les aspérités d’un produit et réfléchir à ce qui intéresse les consommateurs. » Étape suivante : créer une ligne éditoriale et une social value proposition, qui va engager le consommateur. « Quand un consommateur vous suit sur Twitter ou vous like sur Facebook, il vous inclut dans sa vie. Le mobile est clé pour les réseaux sociaux, car c’est en vélo ou en marchant que le consommateur vous suit. Une relation extrêmement intime s’entretient. » Si l’on estime qu’une marque communique « environ 900 fois par an sur les réseaux sociaux », l’enjeu est de construire un discours qui apporte de la valeur et de l’utilité à la marque. C’est le capital social de la marque.
« Je ne crois pas à la dictature de l’instant, mais à l’instant enrichi », poursuit Damien Viel, DG de Twitter France, dont l’audience a gagné 56% en 2 ans. « Plus qu’un réseau social, Twitter est devenu une plateforme d’informations en temps réel, une plateforme au service des médias. »
Saisir l’opportunité du temps réel
Si l’instantanéité de l’info est un risque et une source de complexité à gérer au quotidien, elle est aussi une opportunité à saisir. « La notion d’espace diminue avec la possibilité de connaître nos consommateurs de plus près », commente Benoît Marotte, DG de la Division Papeterie du Groupe Bic. On a une sorte d’étude de marché gratuite avec un feedback immédiat sur nos produits. » Son conseil : ne pas sur-répondre et chercher à être partout. « Les marques doivent entretenir la conversation tout en restant en ligne avec leurs valeurs. » Cela sous-entend de « construire des équipes adaptées à lire ces médias et créer des réponses en temps réel ou en décalé pour être le plus juste possible. »
Pour Kirk Vallis, branding evangelist chez Google, le temps réel impose d’innover, de pousser les limites et de casser les codes établis. « Nous ne manquons pas de connaissances et de technologies, mais d’imagination pour savoir comment les utiliser. Disruptez le problème que vous cherchez à résoudre ! Disruptez vos habitudes de travail ! Et disruptez votre perception de l’expertise ! »
Rester fidèle à ses valeurs
Pourquoi préfère-t-on une marque plutôt qu’une autre ? « C’est le why, et le jour où vous vous écartez de ce why, les consommateurs ne comprennent plus », explique Franck Cadoret, responsable de la Distribution et de la Direction Technique et Informatique de Canal+. « Quand on interagit tous les jours, on veut créer de l’attachement et des communautés, qui vont interagir et être les avocats de la marque. On doit rester dans le why de la marque. »
Point de vue partagé par Alexandre Lubot, CEO de Meetic-Match Group Europe. « Tous les jours, on doit convertir un maximum de personnes et s’assurer qu’elles s’en aillent. Le digital donne l’impression que tout va plus vite. Il crée aussi l’illusion qu’on peut tout faire et défaire rapidement, mais une marque se construit. On revient plus au temps long, à la cohérence et à la nécessité d’être proche de ses valeurs. » Sans pour autant cesser de créer des contenus snackables ou des expériences nouvelles avec les bots conversationnels.
Donner du temps au temps
« Le vrai luxe, c’est le temps pour soi et pour les autres », confie Maurice Levy, président du directoire de Publicis Groupe. « Communiquer a toujours été de faire parvenir un message toujours plus complexe le plus rapidement et le plus loin possible. En se sophistiquant, le temps a dû composer avec l’espace et la vitesse. A l’ère du big data, de la géolocalisation et du user generated content, le triptyque Temps, Espace, Vitesse fonctionne à plein régime. »
Son ultime conseil ? « Retourner à l’essence même du métier et repenser que la lenteur peut gagner sur la vitesse. »