La transformation digitale impacte tous les pans de la société. Le système de valeurs est bouleversé, et les leaders de l’économie doivent repenser leur organisation pour s’adapter aux nouveaux usages digitaux. Réflexions et projections autour de la création de valeurs aux Enjeux E-commerce de la Fevad le 14 juin 2016 à Paris.
Le capital confiance
Longue à acquérir, la confiance peut se perdre en un claquement de doigts. Comment pérenniser la confiance dans la création de valeurs et booster l’économie ? Extraits choisis.
Être acteur du changement
Pureplayers ou entreprises traditionnelles, tous doivent s’adapter aux mutations digitales. « Dans beaucoup d’entreprises, qui sont nées avant Internet, le digital implique une forme de destruction de valeurs, car il bouscule les activités existantes », note Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF. « On est obligé de passer par le moment où la courbe fléchit pour pouvoir repartir à la hausse. »
Exit le « c’était mieux avant » ! L’économiste Jacques Attali rappelle que « le plus important, c’est d’avoir confiance et de cesser de dire que c’était mieux avant. Si l’on ose penser que demain peut être mieux qu’hier, ça change tout. »
En référence à l’un des plus grands économistes du XXème siècle, Joseph Schumpeter, l’économiste Nicolas Bouzou souligne qu’il « faut toujours avoir en tête que la naissance d’un monde est l’écroulement d’un autre. Il ne faut pas dire que ce monde est génial ou angoissant, car il est les 2 à la fois. » Il suggère notamment de ne pas dire aux chauffeurs d’auto-école que la Google Car ne viendra jamais en France, mais de donner de la flexibilité et de les accompagner par la formation.
« Le monde est insécurisé pour 15 ans, et l’on ne sait pas dans quel monde on va aboutir. Il faut être convaincu que la suite sera mieux. » Schumpeter, or not Schumpeter?
Intégrer les valeurs nouvelles
« Rien n’est rare, à part le temps », indique Jacques Attali. « C’est la seule chose qui a de la valeur, et le bon temps va devenir essentiel. » Il y a une logique de valorisation du temps qu’on passe à acheter et à produire soi-même. Au fond, que va-t-il rester dans le commerce ? Essentiellement les produits périssables, car le reste basculera dans le digital.
Outre l’effacement des frontières entre le monde physique et le monde digital, on assiste à un basculement progressif vers l’autoproduction (e.g. l’impression 3D) et le sur-mesure. « On a envie de faire soi-même, de personnaliser et d’avoir à soi. » Se réaliser, c’est être en capacité de produire et de donner un sens à l’achat. D’où l’importance de la production de proximité : on valorisera l’achat d’un objet si l’on sait qui l’a fabriqué.
S’ouvrir
Et si mon bonheur passait par celui d’autrui ? Jacques Attali observe une grande tendance de fond avec prise de conscience que l’autre passe avant le « moi d’abord ». C’est d’autant plus important dans le commerce, car il n’y a pas de rentabilité sans satisfaction client.
« Quand on a un père qui a tout lâché en Hongrie pour tout reconstruire en France, on est mieux préparée », témoigne Nathalie Balla, co-présidente de La Redoute, sur la reprise de la star déchue de la VPC en 2013. « Repartir à zéro et conquérir un monde inconnu, c’est dans mon ADN. On partait d’un dinosaure à côté de la plaque pour l’amener dans le digital. L’enjeu était de réouvrir l’entreprise vers l’extérieur et de prendre conscience que si l’on ne changeait pas notre manière de fonctionner, on allait droit dans le mur. »
Le capital humain
Pour créer de la valeur à travers le développement du capital humain, il faut passer par de profondes transformations des modes de gouvernance et de management des entreprises. Mais, avant cela, retour sur les bancs de l’école !
Réinvestir en maternelles
S’il devait proposer 2 réformes pour 2017, Jacques Attali citerait la sécurité autour de la police et de la justice, mais aussi le besoin de « renforcer les moyens de l’école maternelle pour que les enfants parlent 1500 mots quand ils rentrent en primaire. »
Point de vue relayé par Nicolas Bouzou. « Lire, écrire, compter et savoir se positionner dans le monde et l’espace : plus le monde avance, plus le monde est sophistiqué, plus il faut donner à nos enfants des savoirs fondamentaux, qui leur permettent de s’épanouir. Il faut investir massivement dans les maternelles. »
Mettre l’humain au coeur de l’entreprise
Chez Google, la culture RH se construit autour de la transparence et du dialogue. « Les informations qu’on a en interne, on les diffuse en externe », note Dorothée Burkel, DRH de Google EMEA. « Toutes les semaines, les dirigeants partagent les résultats et objectifs, et leurs agendas sont ouverts par défaut. On peut également accéder à n’importe qui directement, sans passer par des chaînes hiérarchiques compliquées. »
Le dialogue est également favorisé. « On sollicite en permanence le dialogue. On prend des questions, puis on vote pour la plus intéressante. On mesure tout et on fait des enquêtes d’opinion pour être en résonance avec la génération Y, qui a envie d’entrer dans le débat. »
Interrogée sur le couple homme-technologie, Véronique Morali, présidente du directoire de Webedia, rappelle que « l’humain reste au coeur, mais il est soutenu par la technologie, point d’ancrage et colonne vertébrale sans laquelle on n’aurait pas une boîte performante. » Pour rappel, Webedia emploie 1500 personnes pour 45 lignes de métiers entre rédacteurs, codeurs, spécialistes SEO, etc.
Le capital technologique
L’avenir du commerce s’annonce technologique. Pour Jacques Attali, il passera par l’internet des objets, le parallel processing, l’impression 3D, les biotechnologies, les nanotechnologies, les neurosciences et l’intelligence artificielle. Gestion des stocks, logistique, pricing en seront transformés.
Saluer l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle suscite interrogations, débats et réserves, mais elle là. Didier Long, directeur de projet e-business chez Euclyd, explique qu’elle agit dans 3 domaines : la reconnaissance d’un environnement, la description d’un complexe et le machine learning avec l’empilage de neurones, qui vont construire de la connaissance et donner des résultats.
Aujourd’hui, on arrive à créer une intelligence mais pas encore une conscience, souligne le journaliste et écrivain Sébastien Bohler. La conscience dans le cerveau se manifeste par la synchronisation de neurones qui échangent des infos en même temps. Et Didier Long de conclure : « Grâce à la loi de Moore, on atteindra la capacité d’un humain avec une conscience et une histoire, mais est-ce qu’on arrivera à écrire la Divine Comédie ? » To be continued.