Alors que les marques développent leurs activités online, une question se pose : comment concilier interface utilisateur et planning stratégique ? Quelles voies pour une collaboration efficace ? Pour réussir une campagne marketing, il a toujours été essentiel d'élaborer une planification intelligente et de disposer d'informations pertinentes relatives à l'audience. Mais cela ne suffit pas. Une expérience utilisateur irréprochable est également indispensable. À l'occasion de l'édition de Firestarters qui s'est déroulée au salon SXSW, des experts de premier plan ont discuté des interactions possibles entre la conception de l'interface utilisateur et le planning stratégique.
Si nous ne devions retenir qu'une seule chose du SXSW de cette année, c'est que les marques accélèrent le développement de leurs activités digitales, explorent de nouveaux territoires et se rapprochent encore plus de leurs audiences. Les spécialistes de l’expérience utilisateur sont de plus en plus demandés, que ce soit au sein des agences ou même chez les clients en interne. Quelles sont les implications pour les planneurs stratégiques ? Comment ces deux métiers peuvent-ils collaborer, et que peuvent-ils apprendre l’un de l’autre ?
Animée par Neil Perkin, la conférence Firestarters du SXSW a accueilli plusieurs experts de premier plan provenant de l'univers des agences et d'autres horizons.
- Oonie Chase, Director of Experience, Wieden + Kennedy
- Russell Davies, Directeur créatif, Government Digital Service (Royaume-Uni)
- Chloe Gottlieb, SVP Executive Creative Director, R/GA
- Ian Spalter, UX Lead, YouTube
Interface utilisateur & planning stratégique : une collaboration gage d’efficacité
Pour optimiser les performances, les responsables de l’expérience utilisateur et les planneurs doivent à tout prix travailler en équipe et éviter tout individualisme. Le premier agit tandis que le deuxième raconte l'histoire.
"Les planneurs pensent réellement aux gens, et recherchent des éléments qui seront intéressants et qui sortiront de l'ordinaire", estime Chloe Gottlieb. "L’expérience utilisateur se concentre aussi sur les gens, mais cherche à créer des solutions utiles, qui offrent de la valeur à notre audience au fil du temps", précise-t-elle.
Compte tenu de leurs approches différentes, la collaboration entre les deux métiers doit être étroite, afin d'obtenir les meilleurs résultats qu’un travail en parallèle. Il est probablement judicieux de réunir les concepteurs, experts en stratégies, planneurs et responsables technologiques dès le tout début d'un projet. En écoutant les "points de vue divers et contradictoires sur le problème", l'équipe peut identifier des points communs et des désaccords qui n'auraient peut-être pas été pris en compte autrement.
Pour R/GA, le fait de réunir les penseurs systémiques et les conteurs d'histoires, afin qu'ils s'attaquent ensemble au problème de front, a donné un nouveau souffle à la phase de découverte. L'agence a complètement modifié le processus en retravaillant le concept et le timing d'un brief classique. Elle organise des "réunions deux par quatre", au cours desquelles quatre personnes effectuent une séance de brainstorming dans une pièce, pendant deux heures. Dotées de compétences différentes, elles émettent des idées avant même la création du brief.
"La collaboration entre ces deux spécialistes est très importante : pendant que j'étudie les difficultés et les éléments qui seront bénéfiques au fil du temps, le planneur recherche les désaccords et les éléments intéressants qui seront mis en avant. En combinant ces deux états d'esprit, nous nous efforçons d'identifier les éléments communs et les divergences. Cette démarche est aussi intéressante que productive", explique Chloe Gottlieb.
L'expérience utilisateur donne vie au planning stratégique
La façon dont les consommateurs interagissent avec les marques a radicalement changé. Cette évolution a servi de catalyseur pour ces partenariats entre planneurs et spécialistes de l’expérience utilisateur. Les marques ne peuvent plus s'écarter de l'expérience que vivent les consommateurs par le biais des médias ou de la technologie. Elles sont devenues des interfaces, et la conception de l'expérience est aujourd'hui aussi importante que l'histoire qu'elles racontent.
Comme toute nouvelle relation, en particulier lorsque son rythme est accéléré par des bouleversements sectoriels, cette collaboration pose certaines difficultés. Généralement, les planneurs sont entourés de personnes créatives, s'efforcent de décrypter des histoires et des statistiques, et facilitent l'émergence de grandes idées novatrices. Quant aux responsables de l’expérience utilisateur, ils sont plutôt entourés d'ingénieurs logiciels qui se concentrent davantage sur les systèmes. Alors, comment trouver les points de convergence dont ils ont besoin pour collaborer ?
Selon Ian Spalter (YouTube), ils peuvent se mettre d'accord s'ils passent "d'une source d'inspiration à une information exploitable. Ils doivent donc mettre en place des actions qui donnent de l'impact à une marque, plutôt que de créer simplement quelque chose de nouveau et brillant".
Par exemple, l’expérience utilisateur peut trouver de l'inspiration auprès des planneurs et s'investir dans plusieurs directions à la fois. Cela donnera-t-il lieu à la création d'une campagne publicitaire ? D'un programme éditorial ? D'une solution pour mobile ? Ou encore d'une toute nouvelle offre de produits ? Parmi toutes ces options, laquelle sera la plus utile pour l'utilisateur et la plus précieuse pour la marque ? C'est là que l'inspiration devient action, lorsque l'on passe du projet hypothétique à l'objectif réel, en fonction de l'impact potentiel.
"Nous faisons beaucoup de projets innovants, extraordinaires, géniaux ou magiques, et cela nous stimule", explique-t-il. "Nous procédons tous ainsi, que nous appartenions à l'univers des agences ou à celui des logiciels. Mais tous ces projets restent spéculatifs tant que nous ne les avons pas concrétisés. C'est précisément sur ce point que la conception de l’expérience utilisateur peut aider le planning stratégique", précise-t-il.
Les planneurs stratégiques peuvent ajouter de l’affectif à l'expérience utilisateur
En passant de sources d'inspiration à des informations exploitables, Ian Spalter estime que les spécialistes de l’expérience utilisateurs peuvent mieux comprendre comment créer un produit "coup de cœur" s'intégrant dans la vie des consommateurs.
"Je pense que l'expérience utilisateur est trop soumise à ce qui est utilisable et viable", explique Oonie Chase. En se concentrant exclusivement sur l'expérience utilisateur et en ignorant les promesses évoquées par Ian Spalter, les concepteurs courent le risque "d'éliminer techniquement tout le désordre et la magie qu'il contient".
Oonie Chase prend l'exemple des membres d'une équipe ayant mis en place un processus rapide de développement de produit, dans lequel ils ont foncé tête baissée en créant une expérience digitale qu'ils étaient en mesure de lancer dès que possible. Toutefois, au moment de finaliser le projet, ils se sont rendu compte qu'ils s'étaient éloignés de la vision globale : une expérience magique et agréable pour l'utilisateur.
"Nous nous étions concentrés sur la conception du produit minimal d'un point de vue fonctionnel, alors que nous aurions dû privilégier la création du produit minimal d'un point de vue affectif", explique-t-elle, en citant Matt Johnson, de GoKart Labs.
L'aspect affectif a fait partie des thèmes récurrents au cours de cette session Firestarters. En outre, les planneurs devraient être en mesure d'aider les concepteurs expérience utilisateur à créer des expériences qui plaisent, car ils comprennent les utilisateurs (c'est-à-dire les gens) et en sont proches.
Le résultat l'emporte sur la stratégie
En tant que directeur créatif du Government Digital Service (GDS) au Royaume-Uni, Russell Davies a pour mission d'utiliser toute l'énergie et toutes les ressources dont il dispose pour répondre aux besoins des utilisateurs, à grande échelle.
Or les utilisateurs exigent de l'administration britannique qu'elle leur fournisse des sites et des services faciles à utiliser, rapides et fiables. "Le résultat l'emporte sur la stratégie, et la facilité d'utilisation sur la persuasion", explique-t-il.
En réalité, "Pas de nouvelles idées" constitue le credo de GDS. Son équipe a pour mission d'améliorer les services existants et de gommer les difficultés, et non de lancer en permanence de nouveaux projets et applications.
Pour Russell Davies, c'est la tâche la plus importante et la plus souvent négligée que les annonceurs peuvent effectuer pour les marques. "La solution consiste à toujours mettre l'accent sur les besoins des utilisateurs. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas compliqué, c'est simplement difficile", affirme Russell Davies.
Il cite des cas d'une complexité ridicule pour des services administratifs, des banques en ligne et des produits électroniques grand public. La plupart du temps, même les modifications les plus simples apportées au site Web et à l'expérience utilisateur permettent aux marques de surpasser leurs concurrents. De plus, cette démarche est plus rapide et plus efficace que l'élaboration de nouvelles offres, qui ne fonctionnent généralement pas aussi bien que prévu.
"Le problème, c'est que nous essayons de trouver des stratégies complexes, élégantes et nuancées. Or cela n'existe pas", explique-t-il.
Planning stratégique et expérience utilisateur ont chacun un rôle clé à jouer pour créer des campagnes, des plates-formes et des services numériques pertinents, faciles à utiliser et qui plaisent. Plus ces deux métiers peuvent collaborer et plus tôt ils le font, plus l'expérience utilisateur globale sera optimisée.