Accélérer la vitesse de chargement des sites mobiles : oui, mais pour quoi faire ? Améliorer le référencement naturel et payant, la qualité du trafic, la satisfaction utilisateur et le taux de transformation. Entretien avec Stéphane Rios, fondateur et CEO de Fasterize, pour comprendre pourquoi et comment passer à la vitesse supérieure sur mobile.
#1. Fasterize : qui, quand, pour qui et pour quoi ?
Fasterize est une startup que j’ai créée en 2011, après avoir été CTO de RueDuCommerce pendant 10 ans.
Nous proposons une solution avancée de FEO* qui accélère quelques centaines de sites dans le monde entier, dont une majorité de grands retailers français. Nous accompagnons également des clients prestigieux dans leur stratégie webperf.
Leader de la webperf en France, les experts de Fasterize animent notamment le meetup webperf Paris et publient chaque mois le classement des sites mobiles les plus rapides en partenariat avec le JDN.
#2. Vous êtes un expert de la webperformance depuis de nombreuses années. Quel regard portez-vous sur la vitesse des sites mobiles en France ?
À titre perso, à part quelques exceptions, je suis déçu par les perfs des sites web mobiles. Les plus mauvais élèves sont les sites média alors que certains e-commerçants ont vraiment fait un super boulot.
Les sites que l’on rencontre se rendent bien compte que le trafic a basculé sur mobile. Ils se plaignent que les taux de conversion n’ont rien à voir avec le desktop et, en même temps, ils ne font pas tous les investissements nécessaires en termes de webperf sur ce segment.
Les internautes sont devenus extrêmement exigeants avec leur mobile, qui doit leur en fournir toujours plus, y compris et surtout dans des conditions de mobilité qui peuvent être dégradées ! Maintenant que c’est devenu leur principal outil pour se connecter à Internet, ils n’ont plus la patience qu’on pouvait constater il y a quelques années encore, après le lancement des premiers smartphones.
#3. Avoir un site plus rapide sur mobile, ça rapporte quoi ?
Avoir un site plus rapide, ça rapporte. Tout le monde l’a montré et, même sans étude, tout le monde connaît le vieil adage : le temps, c’est de l’argent. Perdre du temps, c’est perdre de l’argent.
De notre côté, nous avons montré (avec des tests A/B) des progressions incroyables quand on accélérait un site mobile (jusqu’à 193% sur le taux de conversion). Pas étonnant quand on connaît les attentes des internautes et la situation dont partent certains sites !
De façon plus générale, quand on constate un gain de +10% sur le taux de conversion après avoir accéléré un site desktop, on voit un gain au moins 2 fois supérieur en mobile !
#4. Quelles sont, selon vous, les quick wins les plus évidents pour la vitesse mobile ?
D’abord, j’aimerais préciser que je n’aime pas la notion de quick win, particulièrement dans le domaine de la webperf. Avec ce terme, on a l’impression qu’il suffit de faire quelques modifications pour régler les problèmes définitivement. C’est oublier qu’une page sur un site est le produit de multiples acteurs qui participent à sa construction (IT, contenu marketing, produit, third-parties, etc.) et à ses perfs. Agir sur un seul élément n’a souvent qu’un impact mesuré. Et puis le mode commando, pour l’avoir expérimenté, ça ne fonctionne pas dans la durée. On est rattrapé quelques mois plus tard par une nouvelle dégradation des perfs.
Ceci dit, qui dit mobile dit souvent conditions de connexion aléatoires (latence et perte de paquets pour les plus techniques et performances des appareils limitées (tout le monde n’a pas le dernier iPhone, loin de là).
C’est donc assez simple de déduire ce qu’il y a à faire : Le moins de requêtes possibles, voire pas de requêtes du tout ! C’est devenu possible plus facilement avec les PWA. Pour cela, éliminez tout ce qui est superflu, pas de redirections, évitez d’appeler des domaines tiers sur le chemin critique, inlinez vos CSS, etc. Si vous avez un site complexe, différez au maximum le chargement de tout ce qui n’est pas utile au démarrage de la page.
Des pages légères et moins complexes : insérez du HTML spécifique (adaptatif plutôt que responsive), compressez les images le plus possible avec des tailles adaptées pour le mobile et limitez le Javascript au strict nécessaire (charger et lire du JS sur un mobile prend beaucoup plus de temps que sur desktop).
#5. Quels points communs entre les clients qui ont un site mobile rapide ?
Parmi nos clients, ceux qui ont le mieux réussi de ce côté-là sont ceux qui ont intégré la webperf dans leur stratégie assez rapidement, souvent à l’occasion d’une refonte et aux plus hauts échelons de l’entreprise. Ce sont aussi ceux qui ont une vraie stratégie mobile-first et pas juste une mauvaise adaptation d’un contenu pour desktop.
En général, ceux-là ont des processus d’industrialisation des développements assez avancés avec les bons outils de FEO/CDN** et des outils de monitoring qui leur permettent non seulement de mesurer les perfs de leur site en production et en live (RUM*** et synthetic monitoring), mais aussi d’intégrer ces outils dans leur intégration continue. Ça leur permet notamment d’éviter de déployer des versions qui auraient un impact trop important en termes de webperf.
La notion de budget webperf est d’ailleurs un indicateur de la maturité webperf. En se fixant des objectifs de Speed Index ou de poids de page à ne pas dépasser pour tout un ensemble de page, on se garde des dérapages qui arrivent forcément au bout de quelques mois : la webperf, c’est tous les jours et sur du long terme !
#5. Votre avis sur les nouvelles technologies web et leurs impacts sur la vitesse ?
Depuis quelques années, on a vu principalement émerger 2 technos dont la visée est spécifiquement la performance mobile : AMP et PWA.
Les sites AMP sont ultra-rapides, et c’est une bonne chose. Le seul point gênant pour moi, c’est le fait de devoir écrire du code spécifique.
En ce qui concerne PWA, les premiers sites qui utilisent ces technos sont impressionnants. C’est donc très très prometteur même si une partie du parc mobile (iOS je te vois) n’implémente qu’une partie des technos nécessaires (Service Workers, par exemple).
Pour ce qui est des autres technos qui ont le vent en poupe, je n’ai pas l’impression qu’elles soient dédiées au mobile et à la performance. On constate des sites qui utilisent ces technos et qui n’ont que plusieurs méga-octets de Javascript à charger. Est-ce bien raisonnable sur mobile ? Au final, la techno ne fait pas tout, c’est l’implémentation qui compte !
Et c’est là une des grandes forces d’AMP : contraindre les éditeurs et les développeurs à n’utiliser que des composants prévus pour limiter les impacts webperf ! Ce sont finalement les contraintes que tout développeur devrait respecter pour obtenir un site mobile rapide.