Placer la data au coeur de sa stratégie est un défi, mais aussi une chance à saisir. Plus horizontale, plus agile et plus collaborative, l’entreprise data-driven se structure autour de la data pour prendre des décisions pertinentes et éclairées. Analyse et conseils de Frédéric Genta, Industry Head Retail chez Google, lors d’un workshop au salon E-Commerce One-to-One le 22 mars 2016 à Monaco.
Les e-commerçants français sont distancés par leurs voisins allemands et britanniques. La raison ? La data est moins cardinale dans leur approche. Google a interviewé 25 salariés et ancien salariés d’e-commerçants tels que Zalando, Amazon, ASOS, ColorBlue et Booking.com pour comprendre comment insuffler une culture de la data en interne et actionner les bons leviers de performance. Le point sur les principaux learnings.
Basculer dans le data marketing
La data amène un vrai changement de paradigme et de mode de pensée. « Il n’est plus question d’être meilleur avec les modèles du passé, mais de changer radicalement de modèle ». Aujourd’hui, le vrai sujet n’est pas de développer de la brand equity, mais de suivre son client pour mieux l’adresser. Exit les cycles longs de production et de lancement. On est dans l’accumulation de temps courts avec un dialogue en temps réel avec le client.
Relever un enjeu complexe et multidimensionnel
La data ne doit pas passer au second plan. Au contraire. Elle doit être vue comme le pilier central du projet d’entreprise avec la création d’une entité capable de récolter, d’analyser et de prendre des décisions à partir de la data.
Devenir data-driven est une décision d’entreprise. Elle doit être impulsée par le top management et s’étendre à l’ensemble des équipes opérationnelles pour avoir un réel impact sur la performance globale de l’entreprise. Cette transformation va bien au-delà de la fonction marketing. À l’image du cerveau, elle abreuve toutes les fonctions pour que les « systèmes nerveux communiquent entre eux ».
Mettre la data au coeur
Pourquoi certains e-commerçants sont-ils si performants ? Parce qu’ils ont fait de la data leur compétence coeur. Véritable colonne vertébrale de toutes décisions business, elle permet de maintenir un avantage concurrentiel durable. « Si ce n’est pas mesurable, cela ne vaut pas le coup de le faire », annonce un CMO sur la porte de son bureau. Dans le même esprit, 2 sites de vente de prêt-à-porter scandent « la tech d’abord, la mode ensuite » et « Pas de place pour l’émotion. Nos décisions sont objectives et reposent sur la data. »
Adopter best practices et bons outils
La data a un impact direct sur l’organisation et les choix technologiques des entreprises. Structure, process, ressources humaines, IT : comment fonctionnent les entreprises data-driven ? La réponse vient de l’intérieur.
#1. La structure. La data est une fonction centrale, mais elle doit être structurée autour de 2 axes principaux : l’IT pour nettoyer la data et la rendre accessible à toute l’entreprise et la Business Intelligence (BI) pour en extraire toute sa valeur. Chez un pureplayer de la mode, départements IT et BI sont centralisés. L’information est alors consolidée et redistribuée depuis ce département vers les différentes fonctions. Autre conseil : créer une fonction transversale ou mettre à profit la BI pour assurer une cohérence des investissements marketing et l’allocation des ressources. « Le but est de parler la même langue à tous les étages de l’entreprise, et seule une data unifiée et claire le permet. »
#2. Le process. Systématiser l’A/B testing : approche largement adoptée par les champions du e-commerce. Chez l’un tout lancement de catégorie, de produit, de couleur va être testé et analysé. Chez l’autre, les A/B tests sont systématiques et s’étendent même aux clients pour améliorer leur quality score. Autre pratique : gérer les opérations avec un nombre limité de KPIs. Priorités et seuils de tolérances sont alors définis en amont. Enfin, Frédéric Genta préconise de mettre en place des routines de contrôle, des procédures cross-fonctionnelles et de s’y tenir. Sans exception !
#3. Les ressources. Deux tendances se dessinent parmi les grands gagnants du e-commerce : un meilleur équilibre entre profils marketeurs et experts de la data (e.g. data architects, data scientists, experts en économétrie, mathématiciens) pour faire converger data science et marketing et développer une culture de la data dans l’entreprise. Puis, le recours à des partenaires externes pour certaines tâches analytiques (e.g. A/B testing, outils décisionnels). « La force d’une bonne data-company est d’avoir les bonnes compétences en interne et de savoir s’entourer des bons partenaires. »
#4. L’IT. Une première voie consiste à utiliser des plateformes unifiées et des outils marketing intégrés, qui garantissent un accès facile à la data, de l’information fraîche à tout moment et des gains d’efficacité. « Il faut aussi faire confiance à la machine et mettre ses équipes sur des tâches plus intelligentes », indique Frédéric Genta. Le bidding en est le parfait exemple, puisque « la machine fait mieux ». Automatiser permet de recentrer ses équipes sur des missions à forte valeur ajoutée. Enfin, il faut chercher à enrichir la data, analyser le passé, optimiser le présent et calculer des probabilités. Tout un programme !
Devenir une entreprise data-driven est un sacré défi. Mais c’est un besoin vital pour rester compétitif dans le secteur ultra-concurrentiel de l’e-commerce. Le succès de la transformation est intimement lié à la volonté du top management d’en faire sa priorité et à la promotion d’une philosophie du changement à travers l’organisation.