C’est bien connu, en France, nous sommes réputé·es pour notre pessimisme. Et ce ne sont pas les derniers chiffres de l’étude Fractures Françaises 2023 de la Fondation Jean Jaurès et Ipsos qui nous diront le contraire. La part de Français considérant que la France est en déclin aurait ainsi atteint 82 % (+ 7 % en un an), le tout sur un fond de nostalgie puisque 73 % des Français·es déclarent que « en France, c’était mieux avant » (+ 4 %).
Vous connaissez la France pessimiste, on va vous présenter une autre France qui, malgré le contexte, se réinvente avec optimisme (oui, oui ça existe) et ça se passe sur YouTube.
Les expert·es insight de Google France nous expliquent trois macro tendances qui prennent place sur la plateforme.
Réconforter : regagner en sérénité.
Stress et anxiété marquent notre époque, mais nous constatons que les Français·es cherchent des solutions pour s’apaiser et cela passe, entre autres, par les contenus consommés sur YouTube et leur traitement. Lucile Le Goallec, consumer insight manager chez Google France constate ainsi que “créatrices et créateurs prennent désormais le temps de demander aux audiences “comment elles vont”. Cela peut paraître anodin, mais ce marqueur était quasi inexistant il y a encore quelques années. On sent une préoccupation sincère du moral de ses audiences et le désir de créer une conversation sincère derrière son écran”.
Les marques peuvent s’intégrer à ces tendances en allégeant un peu le quotidien qui peut parfois sembler lourd.
En pleine empathie, le travail de création évolue également vers des contenus très transparents, au plus proche du journal intime rendu public. “On remarque un succès croissant en France et à l’international des living alone diaries. Ces personnes qui vivent seul.es et partagent leur quotidien sans mise en scène, partagent leurs vulnérabilités et parlent à coeur ouvert. Les audiences s’y reconnaissent, comme en témoigne le succès de la chaîne YouTube de Michelle Choi, ce qui crée une certaine forme d’apaisement” explique Lucile.
Pour se réconforter, les audiences continuent de consommer des contenus biens connus de toutes et tous comme les vidéos ASMR ou encore les playlists Lofi dont la croissance ne décélère pas.
Pour Lucile Le Goallec “les marques peuvent trouver des moyens astucieux de s’intégrer à ces tendances en prenant soin de leurs consommatrices et leurs consommateurs, c’est ce que nous appelons le care brand, des marques qui vont chercher à alléger un peu le quotidien qui peut parfois sembler lourd. Cela peut passer par des choses simples comme l’a fait Ikea aux États-Unis en reprenant les codes de la chaîne YouTube à succès LofiGirl (plus de 13 millions d’abonné·es) ou en remettant plus de connivence et d’empathie dans sa communication”.
Rassembler : vivre collectivement des instants fédérateurs.
Les audiences veulent être actives dans leur rapport aux contenus. Si historiquement, nous avons pris comme acquise la règle des 90/9/1 qui explique que 90 % des audiences ne veulent jamais participer, 9 % participent un peu, et qu’1 % des audiences comptent pour la plus grande partie des actions.
Les audiences qui décident sous quel angle elles veulent regarder un événement sont dans une posture active face au contenu.
Pour Seddik Cherif, consumer insight manager, ce propos est à relativiser. “Tout va dépendre de ce que l’on met derrière “action”. Ce que l’on constate sur YouTube c’est que les personnes décident de l’angle avec lequel elles veulent voir l’événement, c’est une forme d’action face à un contenu. Si vous prenez le Hellfest, diffusé en direct par ARTE Concert sur YouTube, ce sont 650 000 internautes qui se sont connectés en même temps lors du concert du groupe Architects, soit 10 fois plus que le nombre de participant·es sur place. Mais c’est aussi une galaxie de points de vue sur l’événement qui l’amplifient et l’enrichissent pour un moment communautaire encore plus grand. Les audiences qui décident sous quel angle elles veulent regarder un événement sont dans une posture active face au contenu”.
Quant à la participation créative des audiences, Seddik explique que “la montée des IA génératives devrait faciliter leur participation. On constate un fort attrait sur les outils d’IA avec une croissance de 625 % des recherches de vidéos sur les meilleurs outils IA en un an sur YouTube”. Si l’avènement du mobile nous avait déjà facilité le potentiel créatif des audiences, l’IA générative pourrait donc marquer une nouvelle étape dans la facilitation de cette création collective.
Pour Seddik Cherif, ces tendances dessinent de nouvelles opportunités pour les entreprises “que cela soit en offrant un regard alternatif et complémentaire sur les grands événements ou en profitant de la facilitation créative permise par les nouveaux outils d’IA, les marques peuvent créer une relation plus engageante avec leurs audiences”.
Célébrer : vivre imparfait·es et heureux.
Sur YouTube, l’exigence semble laisser place à la bienveillance envers soi-même. Pour se décharger des pressions constantes liées à la performance, les Français·es abordent leur quotidien avec un peu plus d’indulgence. Bénédicte Ibert, consumer insight manager, explique ainsi que sur YouTube “on constate une croissance des contenus “lazy” : lazy girl workout, lazy beauty routine… ces contenus permettent aux personnes d’en faire moins, tout en étant fières d’elles-mêmes. On n’attend plus d’être parfait·e pour se célébrer.”
Parler de ses faux pas, de ses galères est devenu une forme de thérapie libératrice. Créatrices et créateurs les assument et les partagent à volonté.
Un phénomène que certaines marques ont intégré : “une marque comme Nike n'hésite plus à troquer son slogan performatif "just do it" au profit d'un "be true" dans certaines vidéos, encourageant ainsi les personnes à être elles-mêmes dans leur pratique sportive et au-delà. Des marques comme Leroy Merlin quant à elles nous invitent à adopter un design wabi-sabi qui consiste à voir la beauté dans les imperfections” explique Bénédicte. Loin des idéaux et de la perfection, les marques peuvent donc elles aussi célébrer nos différences et nos défauts.
Et lorsque nous sommes exposé·es à l’échec ou aux critiques, ces dernières sont également transformées en force. Bénédicte constate en effet que “parler de ses faux pas, de ses galères est devenu une forme de thérapie libératrice. Créatrices et créateurs les assument et les partagent à volonté à l’image de Lena Situation dans sa vidéo expliquant les faux pas commis lors du lancement de sa marque. C’est une vraie tendance où les personnes exposent désormais leurs échecs sans honte, ce qui n’est pas une chose évidente en France ou nous sommes loin de la culture anglo-saxonne où l’échec est considéré comme un apprentissage. Nous vivons très certainement un changement de mentalité pour un rapport plus sain et déculpabilisant face à l’échec”. Si certains parlent de leurs échecs, d’autres tournent habilement les critiques en force. C’est le cas de la marque d’eau Liquid Death qui a réalisé une chanson reprenant les commentaires haineux vis à vis de sa marque. Un moyen de tourner en dérision les attaques.
Ces stratégies face à la morosité ambiante, permettent de créer quelques éclaircies dans le quotidien. Que cela soit en vivant des moments de détente propice au réconfort, en participant de façon multiple aux grandes célébrations ou en acceptant d’être plus indulgent·e avec soi-même pour mieux se célébrer tel que l’on est, les Français·es dessinent de nouvelles voies plus sereines.