Sébastien Houdusse est Vice-Président de BETC Fullsix et Chief Strategy Officer. Il a conduit cette étude en lien avec Florence Corbasson, strategic insights manager chez Google France.
“Cette fin de l’abondance, cette fin de l’insouciance, cette fin des évidences”. Il y a un an, le Président Emmanuel Macron marquait, par cette formule, un changement de paradigme : celui du passage à la sobriété.
Mais comment les Françaises et les Français vivent-ils ce changement a priori contraint ? “Tout l’enjeu est de passer d’une sobriété subie à une sobriété choisie”, nous dit Thomas Friang, le fondateur de l’Institut Open Diplomacy, think tank dédié à l'étude des conditions d'une paix durable pour les générations futures.
Google et BETC se sont associés pour savoir si la contrainte apparente du passage à un mode de vie plus sobre pouvait aussi avoir quelque chose de désirable.
Pour répondre à cette question, 1500 prosumers ont été interrogés. Ces "consommateurs influenceurs" représentatifs de la population française ont la particularité d'avoir des comportements en avance de 6 à 18 mois par rapport au grand public et laissent entrevoir les tendances de consommation à venir. À cette étude déclarative, un second éclairage a été ajouté, s'appuyant sur des tendances de recherche Google et de vues sur YouTube.
Un intérêt pour la sobriété en hausse
“Je pourrais être heureux dans un monde plus sobre”. A cette affirmation, 82% des prosumers interrogés dans le cadre de l’étude répondent positivement1, convaincus qu’un mode de vie moins matérialiste peut rendre plus libre.
Quand on se penche sur les recherches effectuées sur Google, des tendances autour d’un mode de vie plus sobre émergent depuis plusieurs années. Au-delà de l’intérêt de recherche identifié sur le concept de “sobriété” il y a quelques mois, on constate surtout des tendances caractéristiques de nouveaux modes de consommation qui semblent s’établir dans le temps : “seconde main”, “panneau solaire”, ou encore “recyclage”.
Le paradoxe entre intention et actions
Si la volonté de changer de modèle s’affermit, la traduction en actes ne paraît pas évidente pour autant. Quand on y regarde de plus près, 33% des prosumers interrogés considèrent que la sobriété restreint malgré tout trop notre confort et notre liberté, nous empêchant ainsi de “profiter de la vie à fond”2.
Bref, nous avons affaire à un vrai paradoxe entre l’intention affichée, qui est de changer, et les actes, qui ne suivent pas toujours. Au moins deux raisons poussent à relativiser l’intérêt annoncé pour la sobriété.
D’abord, parce que les envies de consommation énergivores demeurent prégnantes sur le moteur de recherche. Par exemple, sur le plan de l’alimentation, les recettes à base de viande continuent d’être largement recherchées. L’année dernière, l’intérêt pour des recettes contenant du bœuf, du poulet, du porc, de la dinde, de l’agneau ou encore du canard était encore 20X supérieur à celui généré par des recettes végétariennes.
Ensuite, parce que certains ordres de grandeur apparaissent comme méconnus : les comportements durables qui se manifestent le plus dans les recherches n’étant pas en priorité ceux à plus fort impact. Si l’on analyse les questions posées au sujet du recyclage, “ou recycler ou comment recycler”, la majorité d’entre elles portent sur le recyclage de petits items en plastique comme les “bouteilles en plastique”, les “stylos” ou les “pots de yaourt”. En contraste, il y a significativement moins d’intérêt pour le recyclage d'appareils électroniques, de meubles ou de vêtements, qui sont pourtant beaucoup plus énergivores à produire.
Nous avons affaire à un vrai paradoxe entre l’intention affichée, qui est de changer, et les actes, qui ne suivent pas toujours.
Les prosumers nous montrent le futur de la sobriété
Il n’est en fait pas si étonnant de noter à ce stade ces freins au passage à un mode de vie plus sobre, tant cette nouvelle réalité est à la fois récente et bouleversante.
Que nous disent les prosumers sur les tendances de demain ? D’abord, que davantage de personnes seront certainement prêtes à faire des efforts dans le futur. 88% des prosumers considèrent faire plus d’efforts que la moyenne pour réduire leur empreinte carbone3, ce qui laisse présager un mouvement plus global dans ce sens à moyen terme.
Peut-être assisterons-nous également à une hausse des exigences en matière de qualité des produits, au détriment du volume notamment. 68% des prosumers déclarent dans ce sens que la sobriété consiste à acheter mieux4 (plus local, plus de seconde main, etc.).
Les marques, au cœur du changement
Pour accompagner ce changement, les consommatrices et consommateurs sont clairement en demande d’une implication des marques. Près d’un tiers des prosumers jugent que les entreprises sont parmi les plus responsables du changement climatique, et seulement 7% que les entreprises sont celles qui en font le plus pour lutter contre ce dérèglement5.
Ça tombe bien, les marques disposent de plusieurs leviers à leur actif. Un élément est de réconcilier les attentes de performance et de qualité des produits avec les exigences écologiques des consommatrices et consommateurs, en proposant des indicateurs plus clairs d’impact écologique. Elles aideront ainsi les internautes dans leurs arbitrages, à l’image de ce qu’a mis en place Mano Mano avec le score carbone.
Les marques peuvent aussi travailler sur la grammaire employée pour parler de leurs engagements écologiques pour la rendre plus intelligible. Le secteur de la finance a par exemple une marge de progression pour susciter l'intérêt autour de certains produits financiers durables. Les recherches autour de la “finance verte”, par exemple, sont aujourd’hui relativement faibles.
Enfin, elles peuvent proposer de nouveaux récits, de façon à valoriser et célébrer les comportements vertueux tout en conservant un discours joyeux et optimiste. Et faire de la sobriété le nouveau cool.