Selon les derniers chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) parus le 4 février dernier, le commerce en ligne a progressé de 8,5% en 2020. A l’occasion de la cérémonie du Grand Prix Favor’i E-commerce, organisée tous les ans par la Fevad et dont Google est partenaire cette année, Nathalie Balla, Présidente du Jury et Co-Présidente de La Redoute et Marc Lolivier, Directeur Général de la Fevad, ont décrypté la dynamique observée en 2020 et identifié des pistes pour saisir l'opportunité de reprise que représente le e-commerce.
Panorama du e-commerce français en 2020 par Marc Lolivier
Où se situe le e-commerce français par rapport aux autres pays européens ?
Avec plus de 112 milliards d’euros en 2020, la France est le 2e marché européen e-commerce ex-aequo avec l’Allemagne, certes derrière le Royaume-Uni mais très largement au-dessus des autres pays européens. Cela positionne la France parmi les premiers marchés au monde. Et surtout il existe un gros potentiel de progression devant nous. Le e-commerce n’a que 20 ans. Je reste convaincu qu’il va continuer à se développer dans les années à venir.
Quelles conséquences la crise aura-t-elle pour les magasins, qui ont dû fermer pendant plusieurs semaines et adapter en profondeur leur fonctionnement ?
Pendant la crise, le e-commerce a joué un rôle d’utilité sociale. Il a permis à des millions de Français de continuer à se nourrir, s’équiper, se former, se divertir en toute sécurité et dans le respect des règles sanitaires. Mais il a été aussi un formidable amortisseur économique pour des milliers d’entreprises et notamment les commerces physiques obligés de fermer et qui, grâce au e-commerce, ont pu maintenir une partie de leur activité. D’ailleurs, une part importante de la croissance du e-commerce en 2020 provient des ventes internet réalisées par les enseignes magasins.
La crise a démontré l’importance du digital et surtout la complémentarité entre commerce physique et e-commerce. Nos études montrent que les Français restent plus que jamais attachés à leurs commerçants de proximité, mais ils attendent maintenant de ces derniers qu’ils leur proposent aussi un service e-commerce, en complément du magasin, comme l’ont d’ailleurs amorcé de nombreux acteurs avec la mise en place du Click & collect. C’est à la fois un défi mais aussi une formidable opportunité pour le commerce.
Avec plus de 112 milliards d’euros en 2020, la France est le 2e marché européen e-commerce ex-aequo avec l’Allemagne.
Vous venez de clôturer la 14e édition du Grand Prix Favor’i E-commerce : en quoi cette édition était-elle particulière ?
Parce que le contexte est vraiment particulier. Comme tous les secteurs, nos entreprises ont dû s’adapter à cette situation totalement inédite. Et elles l’ont fait en un temps record, en faisant preuve d’une remarquable capacité de résilience. Cela ne m’a pas étonné car la grande force du e-commerce a toujours été cette capacité à innover pour mieux se réinventer. C’est d’ailleurs en partant de ce constat que nous avons créé le Grand Prix Favor’i du e-commerce. Cette année le jury a décerné 3 grands prix : le prix de l’innovation, un classique des Favor’i, le prix éco-responsable, lancé l’an dernier et le prix du meilleur espoir.
Ce dernier est un peu mon chouchou car il permet d’identifier de jeunes pépites à qui ce prix peut ensuite servir de tremplin. On a par exemple eu au palmarès Mano Mano et BackMarket qui aujourd’hui jouent dans la cour des grands puisque tous deux figurent cette année en tête des sites les mieux notés dans leur catégorie. La France a toujours été un vivier de talents ; peu de pays en Europe ont produit autant de champions e-commerce. Il nous appartient collectivement de maintenir cette filière française d’excellence.
La Redoute, un acteur du e-commerce à l’épreuve de la crise, par Nathalie Balla
Quels enseignements tirez-vous de cette année si particulière ?
Si nous avons traversé 2020 sans encombre, c'est grâce à l’immense travail de transformation entrepris depuis 2009. Dans les moments de crise, c'est important de s'appuyer sur ses forces mais il faut avant tout s'ouvrir pour comprendre ce qu’il faut changer. En 2009, nous sommes allés voir des acteurs digitaux, notamment Google, pour appréhender leur fonctionnement. La digitalisation de la Redoute, nous l’avons vécue dès le début comme une opportunité de développement. Elle nous a invités à repenser complètement nos métiers et nos process.
Nous avons aussi effectué un travail sur la culture de l’entreprise et mis la data au cœur du changement. La crise que nous traversons a accéléré la transformation du commerce et montré que son avenir est définitivement phygital. Dans le digital, on a la simplicité, la sécurité et la profondeur d’offre. Avec le physique, on est dans la réassurance et le sur-mesure. C’est l’alliance du commerce physique et digital qui est clé.
La crise a-t-elle changé votre façon de faire du e-commerce et si oui, comment?
La mission que nous nous fixons à La Redoute est d’embellir la vie des familles. Pour y répondre, nous avons construit une culture d’entreprise forte, basée sur la confiance, l’audace, la créativité et la responsabilité, ce qui nous a permis de nous adapter rapidement l’année dernière. La crise n’a pas changé notre manière de faire du e-commerce. Elle a juste confirmé nos axes stratégiques. Nous avons décidé d’accélérer notre développement à l’international et celui de la décoration et l’ameublement. Mais le sujet sur lequel on a le plus accéléré, c’est la RSE notamment avec le lancement fin 2020 de La Reboucle, notre site de seconde main.
Justement, comment traitez-vous ce sujet à La Redoute?
A La Redoute, on peut être fiers d’avoir fait de la RSE avant même que ce terme existe : on a par exemple toujours voulu accompagner les femmes dans les évolutions de la société. Désormais, on a 4 engagements clairs : environnemental, commercial, territorial et social. On veut d’abord 100% de produits responsables d’ici 2025. D’ici 2030, nous voulons aussi être une entreprise 0 plastique à usage unique et nous voulons atteindre la neutralité carbone à cette date. Nous développons également notre ancrage territorial dans le Nord en nous appuyant sur plusieurs associations. Enfin, nous recrutons 100 alternants par an : nous voulons continuer à être cette fabrique de talents du digital.
Quel e-commerce en 2021 ?
Quel est votre état d’esprit quant aux perspectives du commerce en France en 2021 ?
Nathalie Balla :
2021 va être le prolongement de 2020. Le e-commerce va continuer à se développer rapidement : de nombreux consommateurs ont compris que c’était une alternative plus sécurisée et surtout très pratique. Le télétravail va nous obliger à transformer nos pratiques de management et de collaboration. Personnellement, je suis très optimiste et confiante car cette crise nous oblige à innover et à apporter des réponses différentes. Je suis convaincue que c’est une opportunité formidable de rendre le commerce plus responsable et de donner une place plus importante aux femmes.
Marc Lolivier :
On a vu que la crise a obligé les entreprises et les consommateurs à s’adapter. Le digital a été un soutien puisqu’on est passé de 10 à 14% du commerce de détail, alors qu’on gagnait un point par an jusque-là : on a donc gagné 4 ans en 1, ce qui constitue une formidable dynamique. En 2021, il est essentiel de s’assurer que ce levier profite à tous, y compris les TPE-PME : toutes n’ont pas encore cette culture de la digitalisation. On a tous un rôle à jouer pour les accompagner dans cette voie qui est clairement celle de l’avenir.