Rester jeune. Masquer les signes du temps. Si les marques de beauté ont toujours été attachées à la promesse d’éternelle jeunesse, il se pourrait bien qu’elles la vivent aujourd’hui comme une terrible injonction.
L’évolution de la moyenne d’âge des marques figurant dans le top 10 des requêtes maquillage est sans appel : entre septembre 2013 et 2017, l’âge moyen est passé de 50 à 20 ans1. La faute aux nouvelles marques indépendantes, dont chaque lancement suscite un émoi toujours plus grand. Le mois de son lancement, la marque Kat Von D a atteint les niveaux de requêtes que Kiko a mis 6 mois à atteindre, et Fenty, la marque lancée par Rihanna, les mêmes niveaux que Kiko en un an2. Le tout pour un revenu estimé à 14.4 millions de dollars rien que le jour de son lancement3. Face à ces nouveaux entrants, la bromance (brand-romance), qui unissait la marque traditionnelle à son consommateur, s’étiole : exit l’héritage, place au neuf et au surprenant.
Mais le jeunisme ambiant n’est malheureusement pas le seul à avoir ébréché cette longue relation. Le digital, déjà responsable (en partie) de l’émergence foudroyante de ces « indie brands », procure aux consommateurs la loupe grossissante idéale pour révéler le moindre de leurs petits secrets (et la tribune adéquate pour les répéter). De fait, le top 20 des « nasties », ces ingrédients douteux pointés par l’UFC-Que choisir dans son numéro beauté de juin 2017, cumulent 1 million de requêtes sur les 3 premiers trimestres 20171, soit autant que le mot clé « sushi » ou « mojito » sur la même période. Dès lors, des marques comme Oh My Cream !, centrée autour de la simplicité et la naturalité, cumulent plus de 80% de croissance entre la fin d’année 2016 et 20171.
Si la tentation d’affolement est légitime, les raisons d’être optimistes ne manquent pas. Tout d’abord parce qu’en termes de requêtes, un grand nombre de marques traditionnelles s’en sortent très bien. Yves Rocher, en bromance depuis 59 ans, ne lâche pas sa place de numéro 1 des requêtes beauté, même pour un Fenty1. Et, en moyenne, ce sont plutôt les marques les plus récentes qui voient leur nombre de requêtes diminuer par effet de cannibalisation.
Autre raison qui pousse à l’optimisme : le digital n’est pas qu’un élément disruptif. Il est aussi une formidable opportunité.
« Depuis un an, on mesure l’impact ROPO. On s’est rendu compte que beaucoup de gens recherchent en ligne et viennent en magasin. On n’imaginait pas qu’ils étaient si nombreux. [...] Il ne faut pas se leurrer. Dans la beauté, on est un peu en retard en digital, et Sephora en fait partie. On s’est dit qu’il fallait le rattraper et commencer à prendre de l’avance. » Roxanne Gaillard, Responsable acquisition digitale France & Europe
Partageons donc ici les étapes clés d’une thérapie éclair pour remettre les marques traditionnelles sur le path-to-love d’une bromance épanouie.
Être vu
Paysage concurrentiel encombré, difficulté à captiver un consommateur facilement distrait (2/3 d’entre eux attrapent leur smartphone lors des coupures publicitaires) : les occasions d’être vu et entendu se font rares4. Face au défi de la visibilité, certaines marques innovent et n’hésitent pas à s’aventurer sur des territoires inexplorés. Accompagnée de son agence Labelium, la marque made in Provence L’Occitane a déployé une campagne 360 sur Noël et, plus spécifiquement, sur « la destination cadeaux pour Noël ». Retour sur les 3 piliers stratégiques :
#1. Mixer les formats YouTube, en misant aussi sur le court (Bumper Ad) afin d’éviter les embouteillages sur les formats plus longs
#2. Explorer de nouveaux territoires en search (cadeaux, gifting...) éloignés du territoire de marque habituel, en se limitant aux audiences à plus fort potentiel pour L’Occitane
#3. Créer des ponts entre on et off et mesurer l’impact de la campagne sur le trafic en magasin avec « Store Visits »
« L’Occitane a enregistré un lift de 34% sur la mémorisation de la vidéo, de 14% sur la considération d’achat et de 140% sur l’intérêt de marque. On constate un boost de nos visites sur le site et en magasin. » Camille Feuvrier, Responsable Digital Acquisition & Media Europe, L'Occitane en Provence
Faire mouche
Le digital apporte des signaux complémentaires aux données possédées par les marques, et vient considérablement enrichir la connaissance consommateur. Cette démarche a déjà permis à de nombreuses marques telles que Vichy d’adapter le message à chacune des sous-cibles les plus prometteuses.
L’enjeu est donc toujours d’adresser le bon message, à la bonne personne, mais aussi au bon moment ! Comme ce que nous avions déjà constaté sur la catégorie Food, l’intérêt pour la naturalité sur la catégorie cosmétique diminue au fil de la semaine, pour redémarrer avec les bonnes résolutions du dimanche/lundi.
Conclure
Ensuite, la bonne orchestration des formats est clé dans l’optimisation de la transformation. Roxanne Gaillard, Responsable acquisition digitale France & Europe, partage sa vision de l’omnicommerce et encourage les marques beauté à approfondir leurs efforts.
Être aimé
Enfin, la relation client n’a jamais été aussi centrale qu’en cette ère de « l’assistance », inaugurée par l’intégration croissante d’une intelligence artificielle à notre service dans les objets du quotidien. Juliette Lévy, fondatrice d'Oh My Cream ! explique comment le consommateur s’est naturellement positionné au coeur de l’ensemble de ses réflexions, et comment cette attention particulière a pu être clé pour faire d’Oh My Cream ! une love brand (+84% de requêtes entre fin 2016 et fin 2017).
« On s’est toujours dit chez Oh My Cream ! que le client était roi. Ça a l’air d’une énorme banalité, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Ça part de décisions simples [...], mais c’est aussi accepter que le client peut vous dicter qui vous êtes. [...] Il faut accepter de renoncer à des idées qui sont séduisantes d’un point de vue marketing [...], mais qui finalement ne vont pas véritablement leur faciliter la vie. » Juliette Lévy, fondatrice d'Oh My Cream !
D’un côté, la jeunesse insolente et fougueuse. De l’autre, la beauté éternelle. Que vous soyez une marque installée, montante ou en devenir, le digital est le secret d’une relation épanouie avec vos consommateurs. À vous de jouer !