Alicia Birr est Head of consumer insights. Elle propose aussi chez Google France un programme de sensibilisation et formation au langage inclusif et revient ici sur cette expérience.
Représenter visuellement la diversité des utilisateurs et des utilisatrices dans la publicité est l’un des fondamentaux d’un marketing inclusif. Mais il ne faut pas négliger un autre élément : le choix de nos mots et la pratique d’un langage vraiment inclusif, en particulier en langue française.
Ces dernières semaines, nous avons publié plusieurs articles et partagé des ressources sur la pratique d’un marketing inclusif, ainsi que des outils concrets pour toutes les entreprises, grandes ou petites, rassemblées sous la bannière de notre guide Toutes et tous représenté·es.
Le langage, élément déterminant de notre perception du monde
Nous écrivons, échangeons, entendons des milliers de mots chaque jour. Communiquer est pour la plupart d’entre nous un acte spontané si naturel que l’on ne pense même pas à remettre en question le choix des mots que nous employons et avons toujours employés. Or, depuis plusieurs années, des réflexions ont émergé pour questionner certains de ces choix et encourager la pratique d’un langage plus inclusif en s’appuyant sur plus de 40 ans d’études scientifiques qui ont prouvé que les mots ont un impact sur nos représentations du monde.
Par exemple, en langue française, nous avons tendance à employer de manière quasi systématique le masculin générique pour désigner un groupe composé d’hommes et de femmes : c’est ce que l’on fait quand on parle des “étudiants” ou “directeurs” pour désigner un groupe mixte ou des “hommes préhistoriques” pour parler de l’ensemble de l’humanité qui vivait à la préhistoire. La psycholinguistique (étude des aspects psychologiques des phénomènes linguistiques) a montré que notre cerveau n'interprète en fait que très rarement ce masculin générique comme mixte ou neutre. En d’autre termes, nous avons spontanément tendance à imaginer un groupe d’hommes quand on parle d’étudiants ou de directeurs au masculin. On a aussi pu démontrer que les femmes ont moins tendance à se projeter ou candidater à des métiers quand les descriptions de postes sont écrites au masculin. C’est ce qu’explique par exemple Pascal Gygax, psycholinguiste, dans la table ronde “démystifier le langage inclusif” organisée il y a quelques mois par les Ateliers Numériques Google. C’est aussi pourquoi la SNCF a choisi de systématiser l’usage du langage inclusif dans ses offres d’emploi, comme l’expliquait Anne-Sophie Nomblot, Présidente du réseau SNCF Mixité à VivaTech.
Encourager une réflexion d’entreprise autour du langage inclusif
C’est d’abord par intérêt personnel pour le sujet du langage inclusif que je me suis engagée dans un projet de sensibilisation et formation des Googlers avec pour objectif de porter un regard critique sur les mots.
L’équipe de marketing Google France s'est ensuite emparée du sujet et a décidé d’inclure le langage inclusif à ses objectifs de diversité, d’équité et d’inclusion. Puis, nous avons entamé un processus de réflexion qui nous a amené à impliquer d’autres équipes (comme les équipes de traduction) et nos agences partenaires. Ensemble, nous avons défini un certain nombre de principes pour utiliser le langage inclusif de façon opérationnelle.
Diffuser des principes communs cohérents, tester et itérer
Ces 3 principes d’utilisation du langage inclusif, appliqués en premier lieu sur Think with Google sont les suivants :
- féminiser les noms de métiers quand on parle de femmes (par exemple, une femme est “autrice” ou “entrepreneuse”, et non “auteur” ou “entrepreneur”)
- ne pas employer le masculin générique pour parler de groupes mixtes, en privilégiant l’énumération du masculin et du féminin (dire “les utilisateurs et les utilisatrices”), l’usage de mots non marqués en genre ou épicène (“la direction” plutôt que “les directeurs”) ou l’usage raisonné du point médian (quand les mots masculins et féminins sont proches comme “les employé·es” ou “les étudiant·es” mais pas “les sportif·ves” ou “les consommateur·ices”).
- ne pas dire “l’Homme” pour parler du genre humain.
Il s’agit là des conventions recommandées par Eliane Viennot, autrice de “Le langage inclusif : pourquoi, comment ?”, l’agence de communication Mots-Clés qui a publié un manuel d’écriture inclusive disponible en ligne ou encore le Haut Conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans son guide pour une communication sans stéréotype de sexe.
Une fois d’accord sur ces conventions qui permettent à toutes et tous de s’approprier les principes du langage inclusif, l’étape la plus importante est celle de la mise en pratique. Il est fondamental à mon sens de reconnaître qu’il faut faire un effort conscient pour déconstruire les automatismes de langue acquis depuis l’enfance. Quand on parle d’inclusivité, il faut avoir une posture d’humilité, reconnaître qu’on n’arrivera pas à tout changer d’un coup et que l’on va parfois tâtonner jusqu’à trouver la pratique la plus efficace et impactante. Par exemple, nous nous interrogeons encore sur l’utilisation du point médian dans les titres des articles où nous souhaitons que la lisibilité soit maximale ou nous continuons à évoquer “les annonceurs” ou “les éditeurs” car nous estimons que l’on désigne dans ce cas des entreprises et non les personnes qui la composent.
En tant qu’entreprise, il nous semble important de contribuer à véhiculer des messages qui représentent et s’adressent à toutes et à tous. Adopter un langage inclusif est selon nous un des éléments clés pour y parvenir.