Pour réussir dans un environnement où la protection des données personnelles devient un enjeu majeur, les responsables marketing ne peuvent plus négliger le rôle des délégué·es à la protection des données (DPD) et des conseiller·es juridiques dans ce domaine. Explications.
Imaginez le scénario suivant : vous avez passé des mois à préparer le lancement d'un produit, et il ne vous reste plus qu'une étape à franchir. Soudainement, votre équipe juridique exprime des inquiétudes sur une utilisation des données qui pourrait mettre votre entreprise en danger. Conséquence : le lancement est retardé, ou pire, vous devez tout annuler.
Si cette situation génère des frustrations pour les équipes marketing, c’est également le cas pour les équipes juridiques. Car oui, il n'y a rien de plus désolant pour un·e juriste que d'être consulté·e la veille d’un lancement.
La confidentialité et la conformité des données sont devenues des enjeux majeurs face au durcissement global du paysage en la matière. Le montant des amendes infligées pour non-respect de la protection des données, en font désormais un sujet abordé au niveau des conseils d'administration. Côté client·es et organismes de réglementation, la vigilance s’est considérablement accrue pour veiller plus fortement à l’usage des données personnelles dans la publicité. Et, dans le même temps, des réglementations telles que l'abandon progressif des cookies tiers rendent difficiles la visibilité sur les comportements des audiences et le pilotage de la performance par les marques.
L’ensemble de ces forces en exercice peuvent constituer des obstacles pour les responsables marketing. Pour lever ces freins, il est essentiel de renforcer de manière proactive les liens entre les équipes marketing et celles chargées du respect de la confidentialité des données.
Voici quatre axes clés pour ne pas manquer l’étape cruciale d’une vision partagée sur la confidentialité des données.
Tout se joue avec un bon timing
Si la prise de conscience sur l'importance des données personnelles des client·es est désormais un acquis pour la majorité des organisations, les enjeux se jouent désormais au stade de la coordination entre services marketing et juridiques.
Les équipes juridiques ont besoin de temps pour élaborer leurs propres études et analyses techniques, comprendre le fonctionnement d'un produit et attirer l'attention au plus tôt sur d'éventuels problèmes.
Pour qu'un lancement soit réussi, il doit s'appuyer sur des conseils fondamentaux, comme l'intégration d'un mécanisme permettant de supprimer les données utilisateur une fois qu'elles ne sont plus nécessaires, dès la source.
Gareth Burkhill-Howarth est délégué à la protection des données chez WPP. Selon lui, la collaboration pluridisciplinaire est cruciale pour identifier au plus tôt les problèmes de confidentialité.
"Nos client·es souhaitent interagir au quotidien avec des personnes abordant la confidentialité avec assurance et capables de soulever des problèmes, ou de démontrer qu'elles réfléchissent à cette question dès la phase de conception et tout au long du cycle de vie d'un projet", affirme-t-il.
La confidentialité des données est une voie à double sens
Pour comprendre les recommandations juridiques, le marketing doit se familiariser avec la réflexion liée à la pratique du droit. Il ne s'agit pas de tenter de percer les mystères du jargon juridique, mais de comprendre les points essentiels qui empêchent vos collègues juristes de dormir.
De la même façon, les équipes juridiques doivent comprendre les objectifs marketing et les moyens mis en œuvre pour s’adapter à ce nouveau paysage tels que l’adoption des outils axés sur la confidentialité — comme le mode Consentement — pour renforcer les relations client et améliorer les performances.
Il est important que la circulation de l'information se fasse dans les deux sens. Car, comme nous l'avons vu, il est rare qu'une décision liée à la confidentialité des données dépende uniquement d'un aspect juridique. Ces décisions peuvent avoir un impact sur la marque, la confiance des consommateurs et consommatrices, et/ou sur les objectifs commerciaux.
S'agissant des problèmes courants, les difficultés apparaissent souvent en raison d'un manque de vision commune. Si créer des principes clairs autour de la confidentialité prend du temps, à terme, cela évite que différentes équipes élaborent des stratégies pouvant se révéler incompatibles.
Grâce à cette compréhension mutuelle, les équipes peuvent travailler plus facilement vers un objectif commun.
Gareth Burkhill-Howarth explique qu'au sein de WPP, il parvient à surmonter des défis avec les équipes et les client·es en adoptant une perspective plus globale. "Comprendre l'activité de l'entreprise, en particulier dans de grandes organisations, est tout aussi important que de comprendre la réglementation sur la confidentialité", affirme-t-il.
Le respect de la vie privée est désormais un sport d'équipe
La confidentialité devient aussi une priorité pour les client·es. "Nous [les équipes responsables des questions de confidentialité] participons désormais souvent au processus de pitch. Jamais on ne nous avait posé autant de questions sur notre approche de la confidentialité et de la protection des données", affirme Burkhill-Howarth.
Il ajoute : "L'équipe de direction reconnaît que la culture et les pratiques liées à la confidentialité dans l'entreprise contribuent toutes à l'attractivité de l'offre proposée aux client·es. Fini le temps où la confidentialité était uniquement du ressort de l'équipe juridique. Tout le monde doit savoir de quoi il retourne."
Dans une organisation, tout le monde doit avoir au moins acquis les bases sur les questions de confidentialité. Les équipes comme celle de Burkhill-Howarth sont en première ligne pour aider à combler les lacunes.
Ces dernières années, les délégué·es à la protection des données (DPD) ont joué un rôle crucial dans le rapprochement entre les équipes marketing et juridiques. Pour les DPD, l'avènement du RGPD a constitué un boom. Avec son application, la confidentialité est devenue une préoccupation pouvant avoir un réel impact sur les résultats d'une entreprise.
À présent, lorsqu'une organisation recrute un·e DPD, elle doit chercher une personne maîtrisant les questions de respect de la confidentialité sans se limiter au simple aspect de conformité. Un·e DPD compétent·e doit pouvoir sensibiliser et former le personnel de l'entreprise à l'utilisation responsable et efficace des données.
Burkhill-Howarth éduque les équipes et les client·es à travers des communications régulières et des événements sur la confidentialité, où toutes les personnes concernées peuvent se rencontrer pour échanger sur ce sujet. L'intérêt porté à ces événements est monté en flèche en seulement quelques années.
"Les gens veulent en savoir plus, car ce sujet les concerne", affirme-t-il.
Unir les forces pour booster les résultats
Les entreprises doivent cesser de travailler en prévision d'un "avenir" respectueux de la confidentialité des données. C'est aujourd'hui que ce sujet doit se traiter en équipe, car le collectif est fondamental pour améliorer le respect de la vie privée. Posez-vous les questions suivantes :
- Est-ce que votre équipe juridique et votre DPD possèdent les ressources nécessaires ?
- Ces équipes comprennent-elles vos objectifs marketing, ainsi que les outils et approches que vous souhaitez implémenter ?
- Comprenez-vous les problèmes de confidentialité potentiellement en jeu ?
Les équipes juridiques peuvent fournir les insights essentiels pour s'assurer que la conformité ne nuit pas aux performances. Les équipes marketing peuvent faire appel à leur créativité pour communiquer dans un environnement sans cookie. Enfin, les DPD peuvent renforcer cette relation grâce à une solide connaissance des besoins commerciaux fondamentaux.
Gareth Burkhill-Howarth explique : "En enracinant la confidentialité des données dans la culture d'entreprise, les gens en parlent et n'ont pas peur de poser des questions. Vous créez ainsi une culture de transparence autour des sujets de respect de la vie privée."
Plus ces métiers collaborent étroitement, plus ils peuvent facilement se préparer aux réglementations futures.