A quoi ressemblera l’écosystème publicitaire qui fera suite à l’annonce du remplacement des cookies-tiers par Chrome ? Nous avons invité trois spécialistes français de la publicité à discuter des enjeux et challenges de la transformation de l'écosystème publicitaire à l'ère du post cookie-tiers :
- Pierre Harand, associé chez Fifty Five (agence média et data consulting),
- Rémi Cackel, CDO de Teads (plateforme média)
- Fabien Magalon, directeur général de Alliance Gravity Data media (agence marketing B2B)1
Ensemble, nous avons échangé sur les enjeux de ces changements.2
Sabrina Bouguessa, Google : 2020 a débuté avec l'annonce par Chrome de son intention de mettre un terme au support des cookies tiers. Cela constitue un des changements technologiques les plus importants que notre industrie ait connu depuis de nombreuses années car le cookies-tiers est la pierre angulaire de la publicité en ligne.
Cette fin des cookies tiers peut être lue comme une évolution nécessaire pour s’adapter aux changements de paradigmes qui sont de 3 ordres : sociétaux, réglementaires et technologiques.
Cette annonce de Chrome s’accompagne du lancement de la Privacy Sandbox qui vise à créer, en collaboration avec l'écosystème, des nouvelles technologies axées sur la protection de la vie privée.
En effet, l’objectif de Chrome n'est pas seulement de mettre un terme au support des cookies tiers. L’ambition est double : améliorer la protection de la vie privée des utilisateurs pour répondre à la défiance croissante des utilisatrices et utilisateurs et maintenir un écosystème publicitaire pérenne qui est clef pour l’existence d’un web ouvert comme on le connaît aujourd’hui.
Plus d’un an plus tard, il y a encore beaucoup de questions sur la manière dont «l'ère post-cookie tiers » impactera les futurs modèles commerciaux dans le secteur de la publicité digitale et sur les solutions alternatives en cours de développement.
Ma première question va donc à Pierre : en tant que consultant, comment accompagnes-tu tes client·es pour décrypter ces changements ?
Pierre Harand, Fifty five : Depuis 25 ans, l’écosystème s’est construit autour de la nécessité d’avoir une grande quantité de données. Et progressivement, les cookies sont devenus la solution universelle pour répondre aux enjeux de collecte et de circulation de la donnée. Si bien qu’aujourd’hui, les cookies sont des rouages omniprésents et essentiels au fonctionnement du web. Heureusement, tous les cookies ne vont pas disparaître. Certains, nécessaires au fonctionnement des sites, vont perdurer, d’autres, comme les cookies-tiers, vont disparaître : ils ne sont pas nécessaires mais ont énormément de valeur pour les annonceurs, les régies publicitaires, etc. Donc, forcément, leur disparition perturbe l’écosystème. Mais des alternatives n’ont pas tardé à voir le jour : les initiatives d’Universal ID, Privacy Sandbox ou encore le recours plus massif aux données propriétaires. Il n’y aura pas une solution, mais des solutions. L’intérêt du cookie est sa polyvalence : je ne crois pas qu’il y aura un marché qui remplacera les cookies tiers dans tous leurs usages mais plutôt une solution composite. Le défi dans les mois à venir est de trouver le bon assemblage, au cas par cas.
Rémi, pourrais-tu nous parler des enjeux de ces changements côté éditeurs ?
Rémi Cackel, Teads : D’un point de vue éditeur, il y a certes un challenge à s’adapter, mais il a 3 grands types de solutions à sa portée. Pour un internaute logué, l’éditeur va pouvoir l’engager de façon respectueuse et basé sur son consentement, même si cela ne représente pas une majorité des visites. La deuxième chose est de se reposer sur ses utilisateurs réguliers. Avec les cookies propriétaires, les éditeurs ont la possibilité de capitaliser sur la fidélité de ces derniers. La troisième solution de ciblage va se baser sur des solutions comme la Privacy Sandbox de Google ou des algorithmes prédictifs de différentes plateformes, qui se baseront sur des centres d’intérêt et l’utilisation du ciblage contextuel. Dans ce monde sans cookie, les éditeurs vont avoir des alternatives réelles. Un des enjeux sera de répondre à la fatigue technologique, pour des éditeurs très sollicités par une large typologie d’acteurs et de plateformes avec des discours parfois très sophistiqués.
“Avec les cookies propriétaires, les éditeurs ont la possibilité de capitaliser sur la fidélité de leurs utilisateurs.”
Fabien, pourrais-tu évoquer les enjeux de ce monde sans cookies, mais cette fois du côté annonceurs et agences ?
Fabien Magalon, Gravity : Les enjeux sont au nombre de 3 : perpétuer le ciblage publicitaire, maintenir la fréquence d’exposition du message et mesurer l’efficacité des campagnes. Aujourd’hui, chez Gravity, cela oblige à faire beaucoup de pédagogie pour exposer les solutions qui s’offrent à eux. Je vois plusieurs options basées sur les identifiants de substitution, qui tirent parti des initiatives en matière d’identifiants (ex. Universal ID, LiveRamp, ID5 et par l’AdTech) et l’identifiant probabiliste pour recueillir des informations sur une page avec consentement en se basant sur l’adresse IP. Mais aussi le contextuel, la donnée propriétaire et les cohortes (dont la Privacy Sandbox de Google).
Sabrina Bouguessa, Google : Je retiens de nos échanges que la protection de la vie privée est une priorité pour tous et est au cœur des stratégies marketing. Nous sommes dans une phase de transition avec 3 briques: les choses qui ne vont pas changer, les choses que nous savons et les choses qu’on ne sait pas car nous sommes en train de construire. Et pour se préparer il faut des bases solides en termes de données et de technologies notamment avec la donnée propriétaire et les capacités de modélisation. Je suis heureuse de constater une certaine confiance sur le fait que notre écosystème publicitaire est résilient aux changements et que les opérateurs travaillent à fournir à leurs clients annonceurs et éditeurs les solutions qui permettront de maintenir la performance du marketing digital.
Retrouvez l'intégralité des échanges dans la vidéo ci-dessous :